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Les 10 règles d'Or pour réussir une intégration post-fusion

Dernière mise à jour : 10 mai 2022

Écrit par Patrick Boëdec, le 2 mai 2022




Contexte :


Chacun d'entre-nous a déjà vécu de près ou de loin, lui-même ou par procuration une fusion et garde sans doute la mémoire d'une opération mécanique centrée sur la mise en place d'une nouvelle organisation à marche forcée, parsemée de départs, de recherches de synergies, de changement d'outils sous fond de communiqués triomphalistes à la méthode "Pravda".


Si l'on en croit les récentes études réalisées par Mc Kinsey, KPMG ou des articles publiés dans Harvard Business Review, le taux de réussite des fusions se situerait entre 20% à 50% maximum. Les Échos estime même, qu'elle ne dépasserait pas 15%, dans le cas d'une fusion entre égaux. Robert Sher, fondateur de "CEO to CEO" et auteur de "Feel of the Deal" (le sens des affaires) défend l'idée que les causes de ces échecs proviendraient d'une mauvaise gestion du risque, de la surestimation du prix d'acquisition, d'une absence de stratégie à moyen et long terme, de l'incapacité à faire émerger une nouvelle culture ou encore de difficultés dans la gestion de la nouvelle organisation.


Pourtant fusionner est aujourd'hui un impératif si l'on considère le RO/CMO (Résultat opérationnel (RO) sur les capitaux mis en œuvre (CMO) comme l'un des indicateurs phare, qui caractérise le plus, le modèle néolibéral.


Concrètement, Il se s'agit plus seulement d'être rentable, en termes d'EBITDA, pour être attractif mais il faut également que les capitaux mobilisés dans une activité le soient. Dans ce monde, "Big Is Beautiful" ! Cet indicateur est d'ailleurs directement lié au calcul de la valeur de l'action, elle-même servant de base au calcul de la rémunération variable des dirigeants.


Cela explique aussi pourquoi, la vitesse est à ce point primordiale dans ce modèle économique ; il faut donc faire plus avec moins et surtout, beaucoup plus rapidement avec pour objectif, atteindre la taille critique pour espérer faire partie des leaders de demain.


Nous sommes donc face à un modèle fondamentalement orienté sur la croissance où les fusions et acquisitions s'imposent pour atteindre les attentes patrimoniales des actionnaires et ne pas se laisser distancer dans cette course au gigantisme.


Nous sommes, depuis deux décennies, enfermés dans une logique de massification, de globalisation et de spécialisation des activités. L'objectif est de ne se concentrer que sur des activités dites "cœur de métier" à forte rentabilité du capital mis en œuvre.


Si l'on regarde d'un point de vue géostratégique, un instant, ce ratio est sans aucun doute celui qui a eu le plus d'impact sur les entreprises puisqu'il est à l'origine des délocalisations occidentales, mais surtout, il a profondément déplacé l'équilibre géostratégique d'Ouest vers l'Est en créant les superpuissances de demain "matin" comme la Chine ou l'Inde, tellement nous en sommes proches.


Par ailleurs, selon Trading Sat, les 100 entreprises pèsent collectivement 36.800 milliards de dollars de capitalisation, soit quasiment l'équivalent du PIB des US et de l'Europe réunis ! Donc ce mouvement de concentration, de recherche de la taille critique et donc de fusions n'est pas anodin aujourd'hui et encore moins demain puisque les 7 premières capitalisations mondiales, quant à elles, ont créé l'année passée, sur les 6 derniers mois, plus de valeur que le PIB de l'Allemagne.


Si l'on assimile les capitaux mis en œuvre, dans une certaine mesure, à des "frais fixes", la meilleure façon d'augmenter la rentabilité dans ce schéma est de croître et le moyen le plus rapide de grandir vite est de fusionner.

D'autre part, les entités d'un groupe sont devenues, au fil du temps, des briques de Lego, que l'on achète ou revend en fonction de leur rentabilité sur capital ou de leur potentiel de croissance sur l'échiquier mondial et donc de capitalisation pour l'actionnaire.


Si l'on revient sur le processus de fusion en tant que tel :

Une fusion, en fait, s'effectue en deux phases, tout comme un lancement spatial par analogie ;


La première permet de s'extraire de la gravité terrestre, concrètement, elle consiste à mettre en place l'organisation, à nettoyer le portefeuille d'activités, celui des marques, réaliser les synergies et transformer la nouvelle taille atteinte en gains, elle s'apparente à une démarche que je qualifierais de "productiviste", c'est-à-dire livrer les synergies organisationnelles, celles qui ont motivées les actionnaires à réaliser l'opération.


D'expérience, les entreprises réussissent assez bien à sortir une nouvelle organisation et à mettre en place des outils de gestion. Il faut néanmoins reconnaître que les collaborateurs n'ont d'autres choix que de faire converger les outils pour continuer leur activité et conserver leurs clients. C'est le ce travail "régalien" de l'intégration.


La deuxième phase consiste à placer le module sur son orbite finale. En matière de fusion ou d'acquisition, il en est de même ; la deuxième phase d'intégration post-fusion, quant à elle, doit faire émerger une nouvelle culture, issues des deux histoires, et créer progressivement un nouveau référentiel collectif de décision. Les premières alertes se manifestent en général, en fin de première année, les équipes étant trop occupées à régler le régalien. C'est dans cette deuxième phase que le taux de réussite s'effondre.

Un certain nombre de facteurs peuvent expliquer cela cette contre-performance :


a) La lassitude des collaborateurs auprès an de restructuration et chamboulement successifs, de frustrations liées aux efforts supplémentaires généralement non reconnus, ni récompensés


b) Des atermoiements, des décisions qui tardent à venir,


c) Des demi-mesures qui ne satisfont personnes


d) Une vision qui n'est pas comprise et dépourvue de sens, au-delà des enjeux financiers court termes, devenant progressivement obsessionnels


e) Des rivalités entre les entités entrainant immanquablement des défiances et une ambiance délétère.


f) …


Le plus surprenant est de constater ces difficultés d'intégration, si l'on met en perspective, le montant total de la fusion ou de l'acquisition est que le coût de la deuxième phase est totalement marginale alors que c'est elle qui pérennise les bénéfices de l'opération.


Tout comme un lanceur ; 90% du carburant est consommé au décollage, même chose une intégration, la première phase engage le plus de ressources financières, humaines. Cette étape est naturellement fondamentale, mais ce n'est pas elle qui fera de la fusion, une réussite sur le moyen et long terme.


Si l'on pense "marginal", il est incompréhensible de ne pas consacrer un peu plus de moyen, d'attention et d'énergie pour obtenir beaucoup plus !

Je vous propose donc 10 règles d'or pour bien réussir votre intégration post-fusion


1. Anticiper les cycles,

Quand j'étais étudiant, le long terme s'établissait de 5 à 7 ans, le moyen terme 2 ans et le court terme 1 an. Aujourd'hui, le long terme n'excède plus 3 ans, les évènements récents ; Dieselgate, Covid, l'invasion de l'Ukraine… démontre que l'avenir, au-delà de cette période, est imprédictible…


Gérer une entreprise, c'est avant tout comprendre où elle se positionne dans ces cycles et la doter de tous les atouts pour la faire entrer renforcée dans les prochains.

Le moyen terme, quant à lui, se situe désormais à 1 an et le court terme 6 mois. Demain, la généralisation de l'intelligence artificielle, risque de réduire, cette durée de moitié.

Nous allons vivre des mutations, des sauts technologiques quantiques, des transformations en profondeur, de nos façons de travailler, à un rythme effréné.

L'entreprise est mue par de multiples cycles (ressources humaines, sauts technologies, contraintes environnementales, apparition de nouveaux concurrents, changement de culture, de l'augmentation des attentes des consommateurs…).


Cette accélération des cycles génère de la complexité à la fois par les fusions engendrées et les intégrations successives. Mais, elle est également créée par l'effet de taille qui en résulte et des interdépendances entre les entités. Si l'on prend, en plus, en compte, un degré d'exigence croissant des marchés, nous obtenons de la complexité qui s'additionne à de la complexité.

Seules les entreprises ayant développé une très forte culture d'adaptation qui se caractérise à la fois dans la recherche d'excellence, mais aussi dans la façon d'agir avec pragmatisme, en privilégiant la vitesse, la capacité à désapprendre, à parier sur l'innovation… Cette façon de penser d'une manière incrémentale permet, à ces groupes, de gagner en agilité, condition préalable pour surfer de cycles en cycles. Faire un peu plus pour obtenir beaucoup plus que l'effort supplémentaire consenti.



Ce schéma montre l'accélération incroyable des cycles économiques. Toutes les entreprises ont dû au cours des 20 dernières années améliorer leurs processus, adapter leur structure à un environnement en constante révolution. Par exemple, l'industrie pharmaceutique aura divisé par deux, le temps de mise sur le marché convertissant ainsi plus rapidement les nouvelles molécules en revenus et donc en capitalisation.

Autre exemple, dans l'automobile, la durée moyenne de conception d'un véhicule est passé de 48 à 36 mois avec comme objectif d'atteindre les 28 mois en parallélisant les tâches, en simulant plutôt que de tester,…



Il suffit de voir des groupes aussi réputés qu'Alcatel, Nokia, Arthur Andersen, Dexia, Monsanto, Evergrande, dans une moindre mesure Boeing fragilisé par les erreurs de conception du 737, de Casino, Ubisoft, GM, ou encore les faiblesses récurrentes des actions Renault, Carrefour, la liste est interminable… Certaines ont disparu, d'autres se trouvent contraintes de se rapprocher ou être absorbées à bon compte. Le point commun à toutes ces sociétés ne pas parvenir à sauter d'un cycle à l'autre.


En revanche, dans le même temps, nous avons assisté à des institutions comme Accenture se réinventer en adossant à la classique intégration de systèmes, tous les nouveaux outils intelligents, auto-apprenants, les métavers, blockchain… pour devenir l'acteur incontournable de ces nouveaux environnements.


Il en est de même pour Pfizer et Moderna dans leur capacité à avoir développé un vaccin dans des temps "record" en utilisant une toute nouvelle technologie que sont les "messagers" alors que Sanofi et Johnson & Johnson, Zeneca et d'autres n'y sont pas parvenus.


Le Business continuum concerne toutes les industries, prenons l'exemple du commerce de détail, il est toujours tenté, après avoir réussi sa percée dans le discount de s'embourgeoiser en tirant profit de la situation et augmenter insidieusement les prix, considérant que l'avantage concurrentiel acquis durerait éternellement. Le résultat est toujours le même, après quelques mois, elles deviennent des enseignes à l'image chère. Pour finir, l'enseigne dilapide en quelques mois, ce qui lui aura fallu des années à construire. Le contraire de penser marginal.


Dans la mode, sur les vingt dernières années, nous sommes passés de 2 collections à 4 avec l'apparition des "Category killers" puis à 12 avec les nouvelles chaînes H&M, Gap, Zara… Bientôt ce rythme sera porté à une par semaine… Passer d'un cycle à un autre nécessite une refonte complète de 'l'organisation et pas seulement des ajustements "cosmétiques". Les anciens joueurs qui avaient adopté l'attitude de l'autruche considérant que leur notoriété les protégerait Ad vitam æternam, ont disparus au profit des nouveaux entrants qui eux-mêmes disparaîtront au prochain cycle.


Même Jeff Bezos prédit avec lucidité cet état de fait et qu'"Amazon n'est pas trop gros pour échouer. En fait, je prédis qu'un jour Amazon fera faillite. Amazon fera faillite. Si vous regardez les grandes entreprises, leur durée de vie a tendance à être de plus de 30 ans. A la différence près, que les premiers seront restés 50 ans sur le marché, quand les autres 10 ans et les suivants moins de 5 avant de se faire eux-mêmes détrôner par des sociétés qui elles-mêmes"...

Par ailleurs, nous sommes face à un tsunami technologique à nos portes qui telle une lame de fond va rebattre toutes les cartes sur son passage. Les managers doivent acquérir une large palette de compétences pour doter l'organisation des outils nécessaires pour relever les défis de cette accélération.


2. Une fusion, c'est l'ambition de conquérir, d'augmenter ses capacités de réalisation


Revenons sur les fondamentaux, le but de toute fusion est de franchir une nouvelle étape dans les capacités à faire, se doter de nouvelles compétences et moyens, jusqu'à présent, inatteignables pour chacune des organisations prise individuellement. Le but est de s'adapter aux évolutions de l'environnement, et conquérir durablement de nouveaux marchés pour ensuite… se préparer, naturellement, à… fusionner de nouveau, dès l'intégration terminée.

Par ailleurs, les technologies sont devenues, incontestablement, les nouvelles barrières à l'entrée ; lorsqu'il en coûtait "Un" pour implémenter un ERP sur l'ensemble du périmètre d'un groupe ; le doter d'infrastructures intelligentes en coûte "dix fois plus".


A titre d'exemple, l'un des tout premiers distributeurs mondiaux, présentait récemment son plan stratégique faisant apparaître un investissement dans le digital de trois milliards d'euros sur trois ans, alors qu'Alibaba, une année plus tôt, dépensait 13 milliards en 18 mois… deux poids deux mesures, deux trajectoires opposées.


Généralement, les écarts d'investissements s'accélèrent avec les années, les forts courent de plus en plus vite et les autres stagnent avant de perdre de l'attractivité puis partir dans une spirale négative jusqu'au décrochage du cours de l'action.


En résumé, les entreprises n'ont pas d'autres choix que de fusionner pour atteindre la taille critique sur leur secteur et pouvoir ainsi accéder à ces technologies différenciantes voire clivantes, si elles étaient restées, à leur taille ante-fusion. Ces opérations sont donc devenues d'incontournables vecteurs de croissance.


Mais la réussite de la fusion tient dans la capacité à intégrer les deux entités pour n'en faire qu'une troisième constituée des forces des deux premières. Pour cela, la meilleure façon d'opérer est de trouver des thèmes nécessitant un niveau d'excellence opérationnelle inégalée, que seules, les deux entités une fois unies, pourront atteindre en agrégeant leur savoir-faire.


C'est-à-dire, faire converger, non plus sous la contrainte, mais en donnant un sens partagé à cette opération autour d'une ambition. C'est alors que les énergies se fédèreront dans un intérêt commun.


Dans ce cadre et dans cadre exclusivement, alors, 1 + 1 = feront 3.


Comme nous l'avons dit, dans le cas contraire, le premier étage aura consommé 90% du fuel, sans parvenir à mettre le projet sur orbite, en clair les investissements ne verront pas le retour attendu.


Le marginal, ce focalise sur les 10% de carburant restant, non pas mettre en place un organigramme, mais faire en sorte que tous les rouages tournent synchroniquement, dans le but de créer une nouvelle culture unifiée.


En consacrant, un peu de ressources supplémentaires, en redistribuant, pourquoi pas, un peu des gains aux acteurs du changement, en s'assurant que leur travail, leurs efforts consentis lors de cette opération soient reconnus et récompensés, en veillant à donner une signification collective aux restructurations, en trouvant des projets fédérateurs, alors, et alors seulement, l'intégration sera une réussite, et sans aucun doute, bien plus rentable que toute autre approche productiviste.


Au-delà de la rentabilité, le but ultime d'une intégration post-fusion est de mettre la nouvelle organisation, en ordre de marche, pour poursuivre ensuite, et le plus vite possible, sa croissance externe.


3. Soigner l'état des lieux, pour mieux gérer la deuxième phase


Une fusion commence toujours par une "due diligence" généralement trop focalisée sur les aspects financiers alors que la performance opérationnelle ne peut être sous-estimée pour établir l'attractivité de la société et donc sa valeur post-fusion… Selon Bain, "La cause profonde de la plupart des échecs de transactions remonte au début, à la phase de diligence".

La qualité de l'état des lieux, dans la première étape de la fusion, est fondamental puisque qu'il représente la base 100 ; d'où l'on vient. Cette phase est aussi trop souvent négligée, les managers sont poussés à passer à l'action rapidement, alors qu'ils devront se référer à cet état des lieux tout au long du processus d'intégration, ne serait-ce que pour gérer la résistance au changement.


"Une fusion réussie, c'est donc, lorsque tous les collaborateurs de la salle de contrôle sur les écrans unifiés parlant le même langage, se lèvent pour applaudir l'exploit, la mise en orbite du projet, c'est-à-dire, un nouveau groupe 100% opérationnel."

D'un point de vue opérationnel, le diagnostic initial formalise l'état de l'art existant entre les entités. Il identifie les dysfonctionnements et les limites de chaque système. La démarche met en valeur les meilleures pratiques, sélectionne les marques à conserver, harmonise les politiques commerciales, rédige la feuille de route des chantiers à lancer, établit les objectifs financiers, les enjeux stratégiques à atteindre, mais aussi il définit une organisation "idéale" et les nouveaux métiers à pourvoir…


L'organigramme ne doit surtout pas être un assemblage des deux anciens. C'est dans cette première phase que l'intensité de l'effort est à son paroxysme.


Durant la deuxième phase, les équipes consomment nettement moins de carburant, mais c'est l'étape la plus sensible, la plus pointue, celle où l'ensemble des efforts consentis lors du décollage vont livrer la valeur attendue. Il s'agit de réaliser les ajustements organisationnels et managériaux. En quelque sorte, placer le projet sur sa trajectoire orbitale, c'est-à-dire, faire émerger une nouvelle culture issue des deux premières.


C'est l'aboutissement, dans cet exercice, il ne peut y avoir de perdants.


"Dans une fusion, une approche Gagnant-Perdant à court terme se traduira toujours par un Perdant-Perdant sur le long terme."

Le travail sera de faire ressortir un nouveau référentiel de décision, de décrire une nouvelle personnalité à l'organisation, surligner les croyances unifiées, communiquer sur les nouvelles valeurs et ambitions…

Pour les collaborateurs, la fusion doit ressembler une conquête, un défi, qui repoussera les limites du savoir et des réalisations de chacune des vieilles organisations pour qu'il n'y ait plus de différences entre les entités "d'avant" et celle "d'aujourd'hui".


4. Une intégration est un sprint,


Compte tenu de l'ampleur et du nombre de chantiers à lancer, le mot sprint n'est certainement pas exagéré compte tenu des attentes en termes de rentabilité et de capitalisation.

L'intégration, c'est paralléliser les activités, il faut faire tout, tout de suite sans négliger le "Buy-In" du middle management, indispensable courroie de transmission de la transformation.

La gestion des cycles d'entreprise est, sans aucun doute, une question de tempo. L'impératif de réduction du "Time to Market", s'apparente aussi à une accélération ; tout comme l'obtention des objectifs à livrer à chaque "Quarter". Il faut donc concilier à la fois les contraintes court terme et préparer l'avenir dans le même temps. Dans le cadre d'une intégration post-fusion, ce même impératif existe également, celui d'associer la vitesse et la vision.


Une intégration post-fusion s'effectue toujours "à marche" forcée puisqu'elle débouche immanquablement sur une autre acquisition trois ans plus tard.

Se fixer de nouvelles ambitions de "revenus" en revisitant le portefeuille d'activités, définir ce qui est "cœur" et "non cœur" de métier, c'est-à-dire, vendre toutes les marques non stratégiques, pour réinvestir sur les premières, et rembourser ainsi une partie de la dette d'acquisition avec les gains réalisés lors des cessions d'actifs.


Mais aussi réduire les coûts, lâcher les "Task forces" d'acheteurs pour renégocier les contrats sur base de la nouvelle taille du groupe, rechercher les synergies organisationnelles, partager et homogénéiser les meilleures pratiques, refondre les processus et les systèmes… Ces gains viendront à la fois conforter les actionnaires sur le bien-fondé de l'opération et de nouveau, réduire la dette d'acquisition, optimiser les capitaux mis en œuvre, en rationalisant le capacitaire industriel et logistique …


Dans cette phase, l'implication de l'encadrement intermédiaire est une condition de réussite, sans lequel l'intégration n'aurait pas de relai entre les équipes dirigeantes et la base. Par ailleurs, la connaissance, les effectifs, la représentativité des diversités, la transmission du savoir, la chaîne de commandement et donc les résultats, tous ces leviers d'intégration relèvent définitivement de la compétence de cette population, qui ne peut être ignorée dans leur rôle et encore moins négligée dans la mise en œuvre.


Le cycle d'intégration généralement s'étale sur une durée de trois ans pour des multinationales et deux pour des grosses ETI, C'est le temps nécessaire à la fois pour nettoyer le bilan et mettre en place une nouvelle organisation tout en menant à bien les activités citées précédemment.


Néanmoins, il convient de ne pas perdre de vue que dès le premier semestre, il faudra conforter les actionnaires en affichant des premiers résultats tangibles issus de la fusion.

Le calendrier de Stellantis est un bon exemple de ce système de croissance par acquisition ; Carlos Tavarès devient le CEO de Peugeot en 2014 ; il passe trois années à restructurer l'organisation, rééquilibrer les comptes et redonner de l'attractivité à l'entreprise. Il acquière Opel en 2017, nouveau cycle d'intégration qui dure jusqu'en 2020 date à laquelle il fusionne avec Fiat Chrysler pour créer ce nouveau groupe.


Résultat, Stellantis affiche une rentabilité 2021 insolente (équivalente à celle de LVMH ou de Total Énergie sur la même période). Carlos Tavarès a d'ailleurs annoncé, en février 2022, un doublement du CA d'ici 2030. Cela qui signifie clairement deux nouvelles fusions d'importance, d'ici cette échéance.


La taille critique actuelle dans l'automobile se situe à 10 millions de véhicules, elle atteindra sans aucun doute une quinzaine de millions à cet horizon, ce qui laisse augurer une accélération de la consolidation dans cette industrie. Les autres constructeurs vont naturellement lui emboiter le pas, pour ne pas se laisser distancer dans cette croissance à marche accélérée.


5. Trouver des résultats immédiats,


L'action doit toujours être privilégiée à la réflexion comme nous l'avons vu précédemment. Il est donc recommandé de chercher des résultats rapides à la fois pour des questions de rentabilité, mais aussi pour créer de la crédibilité.


Trouver des gains immédiats, c'est prouver que cela marche, c'est le meilleur carburant motivationnel pour les équipes et cela vous autorisera à aborder des problématiques plus complexes, plus politiques.


Une bonne technique est de lister toutes les activités à lancer et de les cartographier sur une matrice montrant le degré de difficulté et le degré de rapidité. Il suffit d'organiser les "vagues" d'actions en fonction des perspectives et contraintes, à savoir commencer par ce qui est rapide et facile.





Par exemple, dans le conseil, les consultants s'arrangent toujours, lorsque le périmètre le permet, d'inclure un chantier "Supply Chain" afin de produire des économies à ultra court terme et d'être constamment en cash-flow positif, les gains couvrant leurs honoraires.



4. Être pragmatique,


Le mieux est souvent l'ennemi du bien. La recherche de l'amélioration est souvent synonyme de perte de temps lorsqu'une solution fait déjà "le job". Il n'y a rien de pire que de défaire pour refaire.


Penser marginal, est basé sur le pragmatisme, ne garder que ce qui donne un résultat immédiat, pour un effort réduit, en se détournant des gaspillages inhérents à la pensée unique, de tout ce qui relève du dogmatisme.


Faire entrer, par exemple, dans un schéma coercitif, des entités pour un motif d'unicité, si cette homogénéisation, ne produisait de valeur incrémentale, cette démarche n'aurait alors vraiment aucun sens.




"On reste souvent prisonnier de ces premières convictions alors que jamais rien n'est inscrit dans la durée. Il faut chaque jour être prêt à désapprendre à challenger ses habitudes ou opinions."


Exemple,
Un groupe de plasturgie à la suite de plusieurs acquisitions s'est retrouvé à la tête d'une entité d'usinage de pièces métalliques ; bien que ces composants soient destinés aux mêmes clients, la lancinante question revenait, à intervalle régulier, en comité de direction sur le bien-fondé de conserver cette activité "exotique", si éloignées du sacro-saint "cœur de métier," "souffler du polypropylène"…

Les discussions étaient dogmatiques, sur cette "anomalie" dans le portefeuille d'activités, mais force était de constater que la rentabilité de cette division était insolente, un vrai bijou. 
L'équipe qui devait statuer sur le devenir de cette activité avait été "fortement" invitée par la direction à "tuer le canard une bonne fois pour toute" et de trouver des raisons officielles, voire rationnelles, pour céder cet actif encombrant qui entachait si fortement "l'identité" du groupe. 

Après de longues heures d'échange stériles, le DRH du groupe s'est soudain écrié, "Allons, soyons tous raisonnables, vous parlez "cœur de métier" ?...  Je vais vous dire ma définition du cœur de métier, c'est là où on gagne de l'argent, et dans ce cas, on ne peut pas être plus cœur de métier que cela !!!". 

Très rapidement, tout le monde s'est rangé sur cette évidence. 
Celui à qui l'on avait confié cette tâche ; céder l'activité, perdait une vertèbre à chaque argument confortant l'idée de la conserver, se lamentant sur la manière dont il devrait communiquer à la direction, notre décision. 

L'équipe dans son ensemble est venue l'appuyer pour expliquer sa position, le CEO de l'époque eut presque l'air d'être satisfait. "J'informerais l'actionnaire de votre décision, dit-il juste". 
Le sujet, à ma connaissance, n'a jamais ressurgi...

Il y a toujours trois possibilités pour résoudre un problème, la voie facile, la voie compliquée et la voie héroïque. Evitez de choisir la deuxième et encore moins la troisième, si vous recherchez une quelconque prouesse technique. Vous diminuerez immanquablement vos chances de réussir, il n'y a aucune auréole de gloire à retirer d'un échec. Privilégier toujours, le chemin le plus court, la solution la plus pragmatique et la plus rapide. Observez et adoptez ce qui marche chez les autres, ne tentez pas d'être plus intelligent, si d'autres l'ont été pour vous.


" Le marginal, c'est ne pas s'éparpiller dans la recherche de solutions compliquées lorsque des solutions simples peuvent s'appliquer"


Ralph Stacey a proposé une matrice représentant à la fois le degré de certitude quant à la solution à livrer et le niveau d'accord entre les parties sur une solution proposée. En conséquence, moins votre action suscite d'adhésion et plus l'incertitude de réussir est élevée, plus vous réduisez vos chances de succès.



Ralph Stacey a proposé une matrice représentant à la fois le degré de certitude quant à la solution à livrer et le niveau d'accord entre les parties sur une solution proposée.

En conséquence, moins votre action suscite d'adhésion et plus l'incertitude de réussir est élevée, plus vous réduisez vos chances de succès.

Le sempiternelle "Make it simple and stupid" américain a tout de même ses vertus…




7. Être intraitable sur le partage du savoir et le respect des autres


De tous les batailles à livrer, celle du respect, est de loin la plus importante dans une intégration. J'ai participé à des fusions où les gens se détestaient juste parce qu'ils travaillaient différemment.


Dans le cas d'une intégration post-fusion, faire travailler les collaborateurs ensembles, dans le plus grand respect de leur art, est une condition de réussite. Il est essentiel que le management régule ces territorialités stériles qui risquent de compromettre ou ralentir la nécessaire homogénéisation des pratiques et des savoir-faire. L'une des techniques utilisées pour obtenir ce résultat est de s'accorder sur les critères de sélection d'un outil commun qui deviendra le nouveau standard des entités.


Un autre moyen, si le sujet le permet, est de redéfinir une troisième voie qui serait l'agrégation des deux premières technologies.


C'est plus long, plus cher, mais s'il s'agit d'une conception pérenne et qu'elle est perfectible, pourquoi pas, si le business case l'autorise. "Ne dit-on pas que Paris vaut bien une messe ?"



Exemple, 

La guerre des banches !

Dans la construction, il y avait deux modèles de banches qui coexistaient dans les filiales, une banche est un élément de coffrage dans lequel est coulé du béton pour fabriquer des grandes surfaces planes, des pans de murs. 

La rationalisation de cet équipement permettait de réaliser de substantielles économies non seulement sur le coût unitaire mais aussi parce qu'il était temps de renouveler un parc vieillissant, donc sur de grandes quantités. Il faut reconnaître qu'une banche demande un peu de technicité, mais cela reste néanmoins un coffrage, élaboré certes, mais toujours un coffrage...  

Pourtant, chaque filiale s'est battue point par point pour ne concéder aucun pouce de terrain à l'"ennemi" pour garder leur banche, celle qu'elle avait conçue et qui faisait leur fierté. 
En résumé, une bataille d'égo. Il est à noter que les murs des deux filiales étaient tout aussi droits, les uns que les autres, quel que soit le matériel utilisé.

J'ai vécu le même scénario avec le référentiel "produits" dans la grande distribution après une fusion. Les équipes se sont écharpées des mois pour conserver le leur sans aucune concession.
Des exemples à l'infini…


8. Créer des héros dès la première phase pour incarner et promouvoir les nouvelles valeurs,


L'énergie se focalise sur ce qui est visible, ce qui est incarné. Un résultat doit être attribué à une équipe ou un leader identifié qui permet de magnifier une prouesse. Dans une fusion, il faut des leaders, des "héros" parce qu'ils permettent d'illustrer les nouvelles façons de faire, de travailler, les nouvelles pratiques issues de la mixité des deux entités.

Ils représentent cette troisième voie vers laquelle chacun doit converger. Les résultats obtenus servent de caution sur le bien-fondé de la transformation.


A l'instar de la propagande soviétique qui créa un Héros de productivité en Stakhanov dans le but de stimuler les autres travailleurs à augmenter leur cadence, les héros servent d'exemples, ils symbolisent les valeurs que la société souhaite promouvoir en termes de comportement, d'actions. J'avoue, l'exemple du stakhanovisme est sans doute perfectible, mais c'est le plus célèbre des livres d'histoire si l'on exclut les super-héros de Marvel.


Ce sont bien évidemment des vecteurs de communication, au travers de leurs réalisations, la société redéfinit les contours du bien et du mal, du conventionnel et de l'extraordinaire. L'entreprise véhicule ainsi les nouvelles valeurs attendues mais aussi montre les opportunités que la nouvelle taille du groupe est capable d'offrir en matière de gestion de carrière.

Créer des "héros" est un réel accélérateur pour faire émerger une nouvelle culture.


9. Fabriquer une nouvelle ADN,


L'ADN est constitué d'histoires, de succès, d'audaces, de ruptures, de génie, de travail, d'efforts. Chaque entité a ses propres gênes ; à ce titre, une fusion n'est définitivement pas une greffe mais la formation d'une nouvelle chaîne composée des temps forts de chacune des histoires.


Quelques soient les méthodes d'intégration, ces gênes sont indélébiles, rien ne pourra les effacer. Ils constituent la mémoire résiliente de chacune des organisations ; il y aura toujours les ""bleus et les "rouges". Cet inconscient collectif peut s'appeler "nostalgie", "rancœurs", "traumatisme" mais rien n'empêche de la transformer en enthousiasme par l'action.


En résumé, l'enjeu est de parvenir à créer une nouvelle façon d'identifier, apprécier, prioriser et agir, bref imprimer de nouvelles valeurs dans l'ADN en faisant émerger un référentiel de décision.


Le meilleur indicateur de réussite de cette démarche se mesure en "fierté d'appartenance" communautaire. Cela constitue une deuxième raison pour fabriquer des vainqueurs ; on ne construit rien sur des ruines, sur du sable. Il faut trouver des fondations en profondeur, ancrées dans le passé, pour bâtir une nouvelle base de lancement, pour donner un sens à cette nouvelle taille et capacités. Les meilleurs vecteurs pour susciter cette adhésion, ces ralliements, restent le niveau d'ambition et l'innovation, l'envie de défricher de nouveaux territoires.


Il faut retrouver cette fibre magique, ces étoiles dans les yeux qu'ont les conquérants, cette flamme contagieuse, toujours positive qui agit tel un aimant et qui cristallise les énergies créatrices.


10. La démocratie s'arrête là où l'intérêt commun est en jeu


Il est compréhensible de prendre en compte l'inertie d'une partie de l'organisation face au changement ; les psychologues martèlent que l'être humain n'est pas un interrupteur où il ne suffit pas de décider pour que la personne applique ; qu'il faut passer par une phase nécessaire de traversée de la "vallée de la mort" et de deuil, pour mieux, après coup, accepter le changement. Soit !


En revanche, il n'est pas tolérable de laisser une forme de guérilla s'installer qui serait motivée par des problèmes d'égo mal placés, d'enjeux de pouvoir ou encore moins de préséance.


L'intérêt collectif prime toujours sur l'intérêt individuel et les cimetières sont, comme chacun sait, remplis de personnes irremplaçables.


Lénine disait : "La démocratie commence à trois et cela en fait deux de trop" ; un grand démocrate comme chacun le sait… Néanmoins dans une organisation, il y a un temps pour la concertation et un temps pour l'exécution au sens propre comme au sens figuré !




Exemple, 

Lors d'une fusion entre de deux constructeurs informatiques, le CEO en charge de l'opération a donné comme première consigne de construire la meilleure organisation possible pour une société de cent vingt mille employés. D'être visionnaire et de la doter des métiers que les nouvelles technologies imposent à un groupe de cette taille, bref de jouer le coup d'après. 

La deuxième consigne était de ne rien reprendre des deux anciennes organisations. Là-dessus, le message était clair, "si je vois un autre nom autre le mien, sur un organigramme, quelques soit sa fonction, son niveau hiérarchique, le pays, je virerais cette personne sur le champ".

Les consultants ont donc travaillé à définir une organisation cible. Une fois validée, la mise en œuvre n'a pas trainée ; le premier mois, le premier râteau était nommé, le deuxième mois, les niveaux 2 et 3 et ce, au niveau mondial, durant le troisième, les dernières positions étaient attribuées.

Ce fut la fusion la plus expéditive à laquelle j'ai assistée. Si la première phase du lancement, s'est déroulé sans accrocs, le deuxième, celle de la convergence, a été sous-estimée en termes de charge et d'attention. Au-delà cette phase productiviste rondement menée, il aura fallu 10 années et de nombreux recrutements "dilutifs" pour qu'une nouvelle culture émerge réellement. 

In fine, dessiner un organigramme, n'est pas "faire le boulot", faire fonctionner l'organisation et créer les conditions pour que les employés travaillent ensemble dans le respect et l'enthousiasme, l'est. C'est la troisième voie à suivre.
 


Derrière, les allégations souvent mitigées, les réserves de toutes natures, les questions existentielles sur la phase opérationnelle de la fusion : "N'allons-nous compromettre la qualité ? L'organisation est-elle vraiment prête à un tel changement ? Est-ce le bon moment pour ? N'allons-nous pas trop vite" ? Tous ces artifices pour tenter de gagner du temps, cachent souvent des enjeux personnels, des pertes de territorialités, des remises en cause de pouvoirs ou castes établies, qu'il est difficile d'accepter de perdre, pour ceux qui les occupent.


Dans ces situations, rien ne doit entraver la vitesse.


Au terme de ces 10 axes de réflexion, l'intégration post-fusion est une période transitoire enthousiasmante entre deux logiques d'action, deux philosophies d'organisation, derrière deux ambitions, deux échéances court ou long terme, deux conceptions de cultures d'entreprises. Elle se gère avec un tournevis d'horloger.


L'intégration post-fusion n'est ni un travail d'experts, ni un travail Top-down, encore moins une démarche productiviste Elle ne relève aucunement d'actions de gestion du changement, de psychologie…


La réussite de cette étape essentielle est directement liée au niveau d'ambition impulsé, de du degré d'innovation qui y est directement que cela implique et aussi de beaucoup de bon sens et d'écoute. Une intégration réussie est lorsque que chacun, quel que soit son niveau comprend que l'avenir qui se profile est plus prometteur que la situation présente et suffisamment pour les collaborateurs aient envie de le créer pour le vivre.





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